La rencontre, une philosophie, Charles Pépin

Il est des rencontres qui vous marquent à jamais. Pour moi, la plus belle d’entre elles a eu lieu le 9 mars 2023 lorsque mon fils Marius est né. Un sentiment intense, indescriptible et un amour incommensurable m’ont envahie. A lui seul, il réunit tous les signes listés par l’auteur qui marquent une rencontre : en effet, il m’a troublée et fait ressentir un sentiment d’évidence. Il m’a aussi donné envie de découvrir son petit monde, de me mettre à sa place et de me sentir pleinement responsable de lui. En un mot, cette rencontre m’a profondément changée et bouleversée.

Pour favoriser une rencontre, Charles Pépin prône la philosophie de l’action ou le concept de contingence (exit le déterminisme) comme un cheminement nécessaire. Il déplore le manque de spontanéité dû à notre époque et aux outils qui cherchent sans arrêt à tout anticiper. Bien au contraire, il faut être prêt à accueillir tout ce qui se présente, le bon comme le mauvais, en étant attentif au présent pour que tout reste possible. Il faut savoir s’arracher à la dictature des choses à faire et à la pression de l’urgence. Encore une leçon de vie que m’apprend mon nouveau petit maître de pleine conscience. ❤️

Il évoque autant les rencontres amoureuses qu’amicales ou professionnelles. Le fait que sans les autres, il est impossible de survivre.

J’avais adoré son livre Les Vertus de l’échec qui m’a davantage touchée par rapport au sujet. J’ai beaucoup aimé aussi La rencontre, un sujet qu’il décortique encore une fois avec brio et illustre d’exemples bien concrets issus de philosophes, chanteurs et écrivains. Je repars avec de nouvelles idées et une liste truffée de citations, de livres, films et chansons à découvrir. Rencontre il y a bien eu avec ce livre, sous-entendu une rencontre qui laisse une empreinte sur moi, autrement dit une vraie rencontre.

Citations

« N’est-ce pas également le propre d’un grand texte, d’un grand tableau, d’un grand film ? Nous arracher à notre position habituelle de sujet, nous montrer que le monde peut être observé et expérimenté autrement, vu par d’autres yeux, perçu par d’autres sensibilités ? Nous permettant d’assister, sous le pinceau du peintre, sous la plume de l’écrivain, à travers la caméra du réalisateur, à la naissance d’un monde ? »

« Le temps s’écoule différemment lorsque nous sommes attentifs. Il n’est plus celui de l’horloge. Il peut être « mis sur pause » en un instant suspendu de pur éblouissement, s’accélérer dans une phase d’excitation. Ainsi, nous avons l’impression de parler avec un ami depuis dix minutes quand nous sommes ensemble depuis une heure. Etre présent au point de pouvoir arrêter le temps ou l’accélérer, de le goûter pleinement, revient à sortir du temps de l’horloge pour entrer dans ce que Bergson nomme la durée : le temps subjectivement vécu. »

« Approfondir un champ, aiguiser son goût, éduquer sa sensibilité sont autant de manières d’étendre son intériorité et d’ouvrir un espace à la rencontre de l’autre. Lisons, écoutons de la musique, regardons des fictions, des documentaires, méditons, prions, exerçons notre corps par une pratique ritualisée ; peu importe, tant que nous trouvons ce qui nous émeut, résonne en nous, éveille notre vie intérieure. Travaillons notre intériorité. Et puis sortons de chez nous. Alors tous nos capteurs seront ouverts, tous les voyants au vert pour une possible rencontre. Une sensibilité en éveil, ouverte à la richesse de tous les possibles, attire comme un aimant celle qui entrera en résonance avec elle. »

« Nous ne savons pas, avant d’agir, ce que notre action produira dans le monde. Mais nous devons y aller malgré tout ; c’est là toute la beauté de la prise de risque, le sel de l’existence ; c’est l’essence même d’une philosophie de l’action. Une telle expérience de l’échec participe d’ailleurs elle aussi de la « préparation » à la véritable rencontre : lorsqu’elle aura finalement lieu, elle sera riche de tout le chemin parcouru. »