Le coeur à l’échafaud, Emmanuel Flesch

Avez-vous déjà été juré à une cour d’assises ? Si votre nom est tiré au sort, comme cela se pourrait fort bien un jour ou l’autre, vous recevez une convocation et ne pouvez pas refuser de siéger. Aux côtés de cinq autres citoyens, un président, deux assesseurs, un avocat général et l’avocat des deux parties, vous devrez alors voter et juger la culpabilité de l’accusé et sa peine.

Un procès d’assises

C’est ainsi que 6 jurés découvrent dans Le cœur à l’échafaud le cas pour lequel ils sont convoqués dans une cour d’assises à Paris. Il s’agit de Walid Z, un jeune homme accusé de viol par la mère de sa petite amie. Il risque 15 ans de réclusion et, s’il a des conséquences aggravantes, encourt la guillotine. Le rôle des jurés est alors d’autant plus important qu’il pèse lourdement sur la vie de l’accusé. 3 jours durant, le passé et la personnalité de Walid sont disséqués. Le premier jour, la vie de Walid et ses pensées sont décortiquées. Issu d’une banlieue, le jeune homme de 24 ans préparait une thèse à Sciences Po, juste avant que ces faits lui soient reprochés. On entend ensuite différents témoignages : le psy, les amis et bien évidemment, pour finir, la partie civile et l’accusé. Même si chaque membre habitué des tribunaux semble avoir déjà son opinion et pencher en faveur de l’un des deux protagonistes, tout peut basculer avec l’avis des jurés. D’autant plus que bien souvent, il est reconnu que le doute profite à l’accusé.

L’opinion publique

« Un procès d’assises, c’est une partie d’échecs, dit le bon sens populaire. Rien n’est plus faux. François est bien placé pour savoir que ça ressemble davantage à une première à l’Opéra. Avant d’entrer en scène, chacun enfile son costume. La partition a été travaillée longtemps à l’avance. Lorsque se lève le rideau, tout est déjà en place. Le décor est immuable.L’avocat général, un ténor en robe rouge, poursuite de sa colère un contre-alto enfermé dans son box. Devant lui, un baryton vêtu d’une robe noire se dresse pour prendre sa défense. Sur le banc de la partie civile, une frêle soprano pousse sa complainte. Et le choeur des jurés, en fond de scène, est convaincu qu’il tient le drame entre ses mains. Bien entendu, il arrive parfois que le baryton, contre toute attente, triomphe du ténor. Que le choeur surprenne par sa clémence. Mais c’est si rare. Pour un coup de théâtre, une année judiciaire compte cent verdicts tout à fait prévisibles. Rien à voir avec une partie d’échecs. Présider aux assises, c’est s’illustrer dans l’art de la mise en scène. »

Dans un futur proche

Le procès se déroule dans un futur proche, dans une France où l’extrême droite serait au pouvoir. La peine de mort pourrait alors être rétablie. En assistant à ce procès, chacun se fait sa propre idée, l’auteur n’imposant aucune vérité. C’est à nous lecteurs, de nous forger notre opinion, un peu comme les jurés, avec les mêmes éléments en main. On réalise alors à quel point il est difficile de juger sans preuve et davantage quand on a le pouvoir de vie ou de mort sur quelqu’un.  L’histoire permet, bien entendu, de connaître l’issue du procès dont je ne veux rien dévoiler ici.

C’est un livre qui soulève d’abord la question du consentement, qui reste toujours extrêmement ambigüe, comme l’a montré Karine Tuil dans son excellent livre. Mais il interroge aussi sur la peine de mort, l’univers carcéral français et certains clichés. Il ne m’a pas paru totalement hors propos car somme toute plausible. Une fois de plus comme ça a été le cas lors de mes récentes lectures, je me passionne pour un procès et ses multiples rebondissements. J’ai ressenti celui-ci comme une claque, en me disant que, fort heureusement, ce n’est pas la réalité de notre pays.

 

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