« C’était le jardin qui avait voulu la faute. Pendant des semaines, il s’était prêté au lent apprentissage de leur tendresse. Puis, au dernier jour, il venait de les conduire dans l’alcôve verte. Maintenant, il était le tentateur, dont toutes les voix enseignaient l’amour. Du parterre, arrivaient des odeurs de fleurs pâmées, un long chuchotement, qui contait les noces des roses, les voluptés des violettes ; et jamais les sollicitations des héliotropes n’avaient eu une ardeur plus sensuelle. Du verger, c’était des bouffées de fruits mûrs que le vent apportait, une senteur grasse de fécondité, la vanille des abricots, le musc des oranges. »
Le cinquième tome des Rougon-Macquart nous transporte aux Artaud, un petit village pauvre du midi. On y retrouve Serge Mouret, prêtre dévoué, aimant par-dessus tout la solitude et la Vierge Marie, ainsi que sa sœur, Désirée, l’amie des animaux et l’innocence incarnée. Ils vivent dans une toute petite église aux murs décrépis d’une drôle de manière.
Suite à une étrange maladie, Serge est victime d’amnésie et tombe amoureux d’un jardin puis d’une femme. Le jardin devient ici un véritable protagoniste de l’histoire. Les longues descriptions à ce sujet m’ont ennuyée une bonne partie du roman mais j’ai apprécié la sublime description du fameux jardin originel idyllique une fois découvert.
Une réécriture de la Genèse et une critique du catholicisme
L’amour d’Albine et Serge grandit peu à peu dans cette nature sauvage : d’abord maladroits et joueurs, ils deviennent de grands enfants qui s’éveillent à l’amour. Cette parenthèse enchantée et le dur retour à la réalité constituent une réécriture originale de la Genèse. Serge se retrouve tiraillé entre son amour pour Dieu et le désir de retrouver Albine. Ce choix le fait terriblement souffrir puisqu’il est face à une sorte d’amour impossible et que son éducation de séminaire le poursuit.
Encore une fois, la folie héréditaire qui guette les Rougon n’est jamais bien loin. La vie et la mort s’opposent tout au long du roman en miroir avec l’ignorance et la connaissance, à l’origine de nombreux maux. Zola critique violemment le catholicisme dans ce roman qui regorge de symboles. Et dans chaque tome, il nous donne un personnage à détester : ici ce sera le Frère Archangias, misogyne à souhait. Jusqu’ici, l’abbé Mouret constitue le tome des Rougon-Macquart que j’ai le moins apprécié, même si je trouve que l’auteur se rattrape avec la fin de l’histoire.