« Le cumin, la poussière, la coriandre, la benzine, les ânes, leurs déjections, le sable, la poussière, la sueur, la cardamome, les gaz de combustion, les oignons frits, les ordures brûlées, les fèves chaudes, le jasmin, la poussière, l’asphalte redevenu visqueux sous le règne sans partage du soleil. Le Caire était une entêtante présence olfactive qu’une infinité d’éléments composaient. On ne se rend compte de ces choses-là qu’au moment de les retrouver. »
Une odeur de lait chaud et de cannelle accompagnée de pâtisseries à la pistache sous des airs de Dalida. Voilà comment l’auteur nous transporte dans l’Egypte des années 1960 aux années 2000 dans une société en pleine mutation.
Tarek est issu d’un milieu bourgeois et occidentalisé formé par la communauté levantine du Caire. Son avenir est tout tracé : il sera médecin comme son père. Suite à la mort de celui-ci, il a la lourde responsabilité de reprendre son prestigieux cabinet médical et sa clientèle.
Tarek vit une existence paisible aux côtés de sa mère autoritaire, sa sœur confidente, une domestique omniprésente et sa femme aimante. Il est partagé entre ce cabinet et celui du Moqattam dans lequel il se rend pour aider les plus pauvres. C’est là-bas qu’il fait une rencontre bouleversante, celle d’Ali et de sa mère, pétrie d’humilité, qui va transformer sa vie. Il promet à cette femme qu’il prendra soin de son fils et qu’il lui transmettra la médecine. C’est une rencontre et une amitié pour lui surprenante qui va le dépasser et lui donner envie de goûter à la liberté. A un amour interdit dans une Egypte du XXIème siècle entre deux hommes que tout oppose et que tout condamne.
Ce premier roman très subtil contient une vraie ambiance, une écriture absolument sublime et une histoire d’une grande sensibilité. Tout au long de ce livre marquant, on ne peut s’empêcher de se demander qui est le narrateur qui nous fait traverser toutes ces émotions. La construction est brillante et le style audacieux. C’est un Prix Femina des Lycéens 2023 amplement mérité !
« On n’est jamais que ce que la société attend de soi ; à cet instant précis, la société attendait de vous des visages qui inspiraient l’estime et la compassion. Certainement pas des miettes de pâtisseries que l’on essuie au coin des lèvres avec l’empressement d’un enfant gourmand. »
« Elle avait parlé d’une traite, sans baisser les yeux. Tu lisais en eux la fierté blessée de celle qui n’a pas l’habitude de demander de l’aide. Tu la connaissais depuis plusieurs mois, mais c’était la première fois qu’elle s’adressait à toi avec une telle gravité. Sa détresse était sincère et la faveur qu’elle te demandait bien peu de chose. »