Le réseau Jane est un magnifique roman sur la maternité. Sur le choix et le désir d’être ou de ne pas être une mère. Sur ce qu’on est prêt à faire pour tomber enceinte ou mettre un terme à sa grossesse. Dans ce roman, les jeunes mères célibataires sont envoyées dans un établissement religieux pour y mettre au monde leur bébé et les laisser à des couples en quête d’adoption souvent contre leur gré. Ce souvenir les hantera toute leur vie.
« Le visage de l’enfant est serein et, dans une explosion de panique, Evelyn se rend compte qu’elle doit mémoriser chaque détail : la courbe du petit menton, les longs cils, les pommettes hautes et le nez incurvé. Elle jure qu’elle passera le restant de ses jours à chercher ce menton ces cils et ce nez sur le visage de tous les enfants, de toutes les adolescentes et de toutes les jeunes femmes qu’elle croisera dans la rue. »
« Son lait s’est tari et elle commence à reprendre possession de son corps. Cette pensée lui donne envie de pleurer. Evelyn sacrifierait tout pour pouvoir à nouveau partager son corps avec son bébé. Comment a-t-elle pu ignorer combien elle était chanceuse d’être enceinte ? L’inconfort, la fatigue, les nuits blanches ponctuées par les coups de pied du bébé, tout cela était une bénédiction ! Elle souhaitait alors que le temps passe plus vite, comme si la grossesse était une malédiction dont elle sortirait triomphante, alors que c’était le plus grand des bonheurs. »
D’autres femmes avortent dans d’atroces conditions puisque c’est illégal dans les années 1960-70 au Canada. C’est pour cette raison qu’est créé le réseau Jane : afin que les femmes permettent à celles qui le souhaitent d’avorter secrètemet et dans de bonnes conditions. L’envie de soutenir leurs semblables dans leurs choix individuels est plus forte que la menace de la prison.
Et puis pour d’autres, c’est le chemin vers la maternité qui est plus compliqué. Lorsque les fausses couches se suivent et que cette perspective s’amenuise.
« Elle détestait vouloir tomber enceinte, mais elle détestait encore plus l’idée de ne pas tomber enceinte. […] Les gens parlaient de cette quête de fertilité comme d’une odyssée, un long voyage sinueux guidé par l’hypothèse qu’elles finiraient par atteindre la destination rêvée, mais qui ressemblait la plupart du temps à un travail de Sisyphe. »
3 femmes, 3 destins que l’on suit à travers les années et le combat de chacune pour disposer de son corps et de sa vie comme elle le souhaite. Passé et famille influent fortement sur leurs décisions une fois adultes.
Ce roman terriblement émouvant inspiré de faits réels et véritable page-turner est un énorme coup de coeur. Il est terrible de penser que des foyers religieux ont existé après la guerre et que les femmes y étaient détenues jusqu’à leur accouchement et contraintes de signer des documents d’adoption. Leur santé mentale et leur vie furent durement touchés et c’est ce qui m’a le plus bouleveré dans ce roman. L’espoir, avec le militantisme des femmes et la légalisation de l’avortement apparaissent comme une véritable victoire et une nouvelle liberté.