« Son lever à 4h30, il a repris. Partir dans la nuit, descendre dans des cages en fer comme un troupeau d’animaux, creuser la roche des heures durant, couché dans un boyau, les bras levés, les oreilles brisées, sans masque, sans lunettes, sans aucune protection, sans rien qui fait la dignité de l’homme. »
Michel Flavent perd son frère Joseph à l’âge de 14 ans dans la mine de Liévin, au Nord de la France. Ils seront 42 mineurs à périr à cause du grisou en ce mois de décembre 1974. Un an plus tard, son père se suicide en lui laissant un mot :
« Venge-nous de la mine ».
Le procès de la mine
A partir de ce jour, Michel n’est plus le même. Toute sa vie, il la consacre à rétablir la vérité et à cette terrible vengeance. Aussi, il dresse un mausolée à l’effigie de son frère et des mineurs et commence à rédiger des petits carnets dans lesquels il rassemble des coupures de journaux et des témoignages. Il essaie de comprendre ce qui a pu se passer le jour de la catastrophe. Quarante ans après l’accident, devenu veuf, Michel décide de retourner sur ses terres du Nord pour mettre sa vengeance à exécution. Il souhaite punir le dernier survivant, un vieux contremaître, pour pouvoir enfin tourner la page. S’ensuit son procès, qui est celui d’un homme mais aussi de tous les mineurs. Ceux de Liévin et par extension tous les autres depuis que la mine existe. Le procès est historique et recèle un suspense insoutenable, avec un rebondissement inattendu. On ne peut lâcher le livre avant d’en connaître le dénouement.
«Chez nous, personne ne grondait jamais. Même Braf, le malinois belge, ne montrait pas les crocs. Notre colère, notre désarroi étaient faits de silence et de simples regards.»
Un hommage aux mineurs
Ce roman constitue un très bel hommage aux nombreux mineurs qui se sont sacrifié. Certains ont payé de leur vie, d’autres de leur santé. L’histoire racontée par Sorj Chalandon est très forte et poignante, comme il sait si bien le faire. Lorsque je l’ai rencontré au salon du Livre sur la place à Nancy en 2021, j’ai été émue par notre échange sur la mine et ai ressenti sa profonde colère.
Avec ce roman, il s’érige en porte-parole des ouvriers de la mine et exprime leur colère noire et celle de leur famille. Parce qu’ils sont partout autour de nous, ces mineurs ou fils de mineurs touchés de près ou de loin par ces drames et ces conditions de travail épouvantables. Après Germinal, ce roman, plus contemporain, parlera aux milliers de personnes profondément marquées par la mine au cours du XIXème siècle. Une manière de leur rendre justice et de reconnaître leur héroïsme. Magnifique !