La nuit des pères, Gaëlle Josse

Un père emmuré dans le silence et la colère toute sa vie décide enfin de parler à ses enfants avant que ses souvenirs ne s’effacent. Isabelle et Olivier n’imaginaient pas ce qu’il avait traversé pendant toutes ces années. Il était en fuite depuis bien trop longtemps. Si Isabelle a refusé ce père pendant une bonne partie de sa vie car elle s’est toujours sentie rejeter, elle se décide à affronter ses démons et son géniteur en retournant chez lui, là où elle a grandi.

Petit à petit, les souvenirs tus et enfouis ressurgissent un à un. La chienne Lola, les injustices de traitement entre fils et fille, le frère parfait, l’absence de considération…Nous assistons d’abord au ressenti et au point de vue d’Isabelle, très âpre et douloureux, qui cumule les pertes. Le livre s’achève sur celui d’Olivier avec une vision toute autre, comme s’ils avaient connu une personne différente, un père différent.

Des choix lourds sur plusieurs vies

C’est très émouvant de découvrir ce que ce père a traversé sans jamais rien dire et les impressions à tour de rôle de ses enfants. Peut être qu’en parlant, les choses auraient été plus simples ? C’est finalement le propre choix du père qui a pesé sur sa famille pendant toutes ces années.

A l’issue du récit et des non-dits dévoilés, chaque lecteur, extérieur à l’histoire, fait son interprétation et comprend mieux notamment le comportement du père avec sa fille. Il a pu sembler destructeur mais ce n’était visiblement pas son intention. Je ne révélerai pas mon interprétation pour ne pas divulguer les révélations découvertes au fil de la lecture. Simplement, notre interprétation, comme celle d’Isabelle ou Olivier, évolue, à la lumière des éléments racontés par le père et remet en cause des années de fourvoiement.

J’ai bien aimé les délicatesses de l’auteur vis-à-vis de la sensibilité des personnages, toute en retenue. L’idée que certains se souviennent absolument de certains lieux de manière inexpliquée m’a beaucoup plu aussi, de même que les objets terribles de présence qu’elle évoque après la perte d’un être cher. Les sentiments décrits sont bel et bien complexes comme dans la vraie vie et nous bouleversent par leur intensité, comme ça avait déjà été le cas pour son roman Ce matin-là, récit d’un burn-out. Elle remet en cause nos choix et nos profondes fragilités.

« Nous ne savons, ni lui ni moi, comment accepter un trop-plein d’émotion si subit, alors on bloque, on fait comme si de rien, on se tient. Après, doucement, très doucement, ça lâche. Pas les grandes eaux, ces vagues dévastatrices qui nettoient tout et laissent un terrain net, non, pas ça, hélas. Mais une lente, très lente montée des eaux, une infusion, une imprégnation sournoise qui ne desserrera jamais vraiment sa prise. C’est ainsi. »

 

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