chien blanc, livre Romain Gary

Chien blanc, Romain Gary

« C’est assez terrible d’aimer les bêtes. Lorsque vous voyez dans un chien un être humain, vous ne pouvez pas vous empêcher de voir un chien dans l’homme et de l’aimer. »

En 1968, Romain Gary accompagne sa femme Jean Seberg à Berverly Hills pour le tournage d’un film. Il rencontre Babka dans la rue, un magnifique berger allemand abandonné qui respire l’intelligence et la douceur. Pourtant, il découvre rapidement que c’est un chien blanc, autrement dit une bête dressée spécifiquement pour attaquer les Noirs. Ce chien doit être tué ; l’auteur s’y refuse. Profondément humaniste, il croit pouvoir corriger sa nature et lui promet de le sauver.

La ségrégation raciale aux Etats-Unis

Ce livre pourrait être uniquement l’histoire de ce chien et de ce qu’il en advient. Mais c’est sans compter sur le talent de Romain Gary qui s’appuie sur cette histoire concrète et réelle pour raconter la ségrégation raciale aux Etats-Unis. De l’assassinat de Martin Luther King à l’idiotie des Américains, en passant par la rébellion sociale et le sentiment d’insécurité des activistes noirs. Il tente de justifier le comportement des Noirs et celui des Blancs conditionnés à les haïr depuis des décennies. Ça fait tilt. Et ça fait réfléchir.

« Je ne devrais pourtant pas leur en vouloir : ils ont des siècles d’esclavage derrière eux. Je ne parle pas des Noirs. Je parle des Blancs. Ça fait deux siècles qu’ils sont esclaves des idées reçues, des préjugés sacro-saint pieusement transmis de père en fils, et qu’ils ont pieds et poings liés par le grand cérémonial des idées reçues, moules qui enserrent les cerveaux, pareil à ces sabots qui déformaient jadis dès l’enfance les pieds des femmes chinoises. »

Le racisme comme une maladie mentale

Il est surprenant de suivre le flot des pensées de l’auteur de La promesse de l’aube, de ce qui l’insupporte chez les autres. Il critique notamment les acteurs hollywoodiens engagés pour la cause noire essentiellement pour des raisons malsaines. Par ses réflexions, Gary nous pousse à nous interroger sur les hommes et leurs comportements sociaux. Il considère d’ailleurs le racisme comme une maladie mentale. Même s’il constate la bêtise humaine, il conserve néanmoins une foi inébranlable en l’homme et l’animal. C’est d’ailleurs avec l’équivalent d’un chenil qu’il se déplace  en voyage, c’est dire son amour pour les animaux. Plus d’une fois, il se prend pour un chien quand il est hors de lui et personnifie l’animal en lui prêtant un regard sincère, par opposition aux hommes. Encore et toujours, la profondeur du récit de l’auteur aux deux prix Goncourt nous offre un récit passionnant doublé d’un documentaire précis et profond.

« Et il y a aussi l’incroyable inflation verbale de cette époque qui déferle d’un pôle à l’autre de la terre et semble annoncer un épuisement total du vocabulaire, suivi peut être du retour à une authenticité aujourd’hui perdue dans le rapport du mot et de la vérité. Les surenchères de la publicité commerciale et de la propagande politique ont rompu tout rapport de réalité et de valeur réelle entre le produit jeté par le marché, déodorant ou idéologie, et une authenticité quelconque. »

« J’appelle donc « société de provocation » une société qui laisse une marge entre les richesses dont elle dispose et qu’elle exalte par le strip-tease publicitaire, par l’ exhibitionnisme du train de vie, par la sommation à acheter et la psychose de la possession, et les moyens qu’elle donne aux masses intérieures ou extérieures de satisfaire non seulement les besoins artificiellement créés, mais encore et surtout les besoins élémentaires. »

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