Imaginez un huis clos en pleine tempête, dans le blizzard de l’Alaska. L’espace d’une fraction de seconde, Bess lâche la main du petit Thomas pour refaire ses lacets. Cela suffit à le perdre de vue. Tous partent à sa recherche, alors même qu’ils savent que c’est totalement inconscient.
Quatre personnages principaux décrivent la scène et l’avancée des recherches tout en racontant leur passé : Bess, Benedict, Cole et Freeman. Petit à petit, le puzzle s’assemble et on comprend qui sont les différentes protagonistes et leur histoire. Aucune n’est simple, toutes ont une part sombre et une part de culpabilité, justifiée ou non. Il est plus facile alors de comprendre pourquoi toutes ces personnes ont atterri dans un lieu aussi isolé du reste du monde. Marie Vingtras nous confie des informations par bribes et nous permet de remonter les années et le cours de la journée à rebours. A la fin, tout s’imbrique parfaitement.
Un scénario d’une grande maîtrise
J’ai beaucoup aimé le style et la construction de ce roman polyphonique impossible à lâcher. Les personnages et leurs caractères sont très fouillés et nous permettent de sonder leur âme dans ce qu’il y a de plus profond et de plus noir. L’ambiance, avec le blizzard tel un personnage à part entière, nous enveloppe et nous plonge en Alaska. Quant au scénario, fortement inspiré de romans américains, il m’a fait en partie penser, par sa violence et son dénouement, à un film de Tarantino tout en finesse. Bravo pour ce premier roman d’une grande maîtrise !
« Il vaudrait mieux rester à cet instant précis, juste avant de savoir, lorsque l’on est encore dans l’ignorance, même si tout cela n’est qu’une illusion. Je sais bien que rien n’est déjà plus comme avant, qu’il soit là ou non, et ça me donne le vertige. Je la connais par coeur, cette sensation, c’est comme se retrouver sur un petit vélo en haut d’une pente bien plus raide que ce que vous imaginiez. Une pente qui a l’air de ne jamais vouloir finir. On se dit qu’on va pouvoir stopper le mouvement, mais c’est déjà trop tard, rien ne peut l’arrêter. Et après, quand la chute aura eu lieu, on se souviendra de tout, dans le moindre détail, avec une précision photographique. »