Parmi les livres que je souhaite emporter sur une île déserte, il y avait Cent ans de solitude de Garcia Marquez. Désormais, il y aura aussi Le rêve du jaguar. Dès les premières lignes, on est plongés dans un réalisme magique et transportés à Maracaibo, petit village de pêcheurs vénézuéliens.
Tout commence par l’histoire d’Antonio, un bébé abandonné sur les marches d’une église du village. Recueilli et élevé par une muette, il travaille très tôt dans une maison close. Il connaît mille petits boulots avant de devenir l’un des plus grands chirurgiens du pays. Ana Maria, sa future épouse, sera, elle aussi, une personne d’exception. Elle deviendra la première femme médecin de la région. Enfin, leur fille Venezuela souhaitera vivre en France, à Paris, et quitter son pays natal. Elle aura un fils qui n’est autre que l’auteur de ce roman.
Comme dans un long rêve, cet amoureux du Venezuela nous conte la vie de ses ancêtres et l’histoire de son pays avec une imagination foisonnante. Les personnages décrits sont inoubliables et leurs destins incroyables après avoir osé suivre leurs envies.
Dans ce roman prix Femina et Grand Prix du roman de l’Académie française 2024, il y a tout. De la magie, des histoires d’amour, des rêves, des révolutions et des faits historiques. Il constitue pour moi un hymne vibrant au Venezuela et aux rêves. La frontière entre réalité et fiction n’est pas toujours facile à tracer et les destinées extraordinaires y sont légion. Je suis en admiration du style de Miguel Bonnefoy qui travaille la langue comme un artisan jusqu’au moindre détail. La magie et la beauté du récit ont opéré tandis que l’histoire m’a fait rêver et voyager. C’est donc un énorme coup de cœur que je recommande chaleureusement à tous ceux qui affectionnent le réalisme magique et le voyage. Nul doute que je vais découvrir les autres romans de cet auteur !
« Et ainsi, faisant preuve d’un courage aussi exemplaire que son père quand il avait quitté Santa Rita pour le Majestic, d’une ténacité aussi aveugle que sa mère lorsqu’elle était partie pour l’université, d’une folie aussi intense que son frère quand il avait répondu à l’appel intérieur de la magie noire, Venezuela s’envola dans les airs en suivant du regard le contour des collines et les départs des pirogues qui descendaient vers le sud, chargées de bagages et de cages d’oiseaux, de valises et de sacs de Maïzena, contemplant une dernière fois Maracaibo dont on apercevait encore, à travers les caravanes de nuages, les lumières intermittentes. »
» Sous prétexte que les plus belles maisons sont celles qui n’ont pas de serrure, elle fit retirer les loquets des cinq portes, interdit de les fermer afin que la lumière puisse traverser les pièces comme un torrent et installa, sous le porche de la véranda, une lampe à huile, convaincue qu’elle passerait le reste de sa vie à lire la nuit en contemplant la mer endormie. »