« Avoir été obligée de passer du côté obscur m’empêche à jamais de pouvoir retourner à l’innocence. »
Neige Sinno raconte l’inceste à travers sa propre expérience en y mêlant recherches et études sur ses mécanismes. Elle parvient à raconter l’indicible d’une manière détournée et tout à fait inattendue.
En effet, ce roman commence par le portrait du bourreau de l’auteur : son beau-père. Elle tente de se mettre à sa place en adoptant un point de vue extérieur. S’il est « facile » de s’imaginer en victime, il l’est d’autant moins d’être à la place d’un bourreau, qui plus est d’un violeur.
De manière générale, elle essaie de rentrer dans la tête des bourreaux pour mieux les comprendre. Elle ponctue son récit-témoignage d’apartés- aspect psychologique de ce profil, consentement, zones grises, articles la concernant, vaste littérature sur le sujet, à l’instar de Lolita – créant un livre défiant tous les genres et regroupant diverses analyses sur ce sujet tabou. En même temps qu’elle écrit, elle s’interroge beaucoup sur la raison pour laquelle elle écrit sur l’inceste.
« Qu’est-ce qui nous sauve ? Est-ce que la littérature peut nous sauver ? L’écriture comme thérapie, c’est une vision que j’ai toujours trouvée douteuse. Comme si raconter, se raconter, partager sa souffrance était le chemin vers la rédemption. »
J’ai lu ce livre au départ avec beaucoup d’appréhension, eu égard au sujet. Toutefois, ce récit autobiographique doublé d’un essai est tout à fait percutant et d’une grande sensibilité. Un livre incontournable et remarquable.