Une page d’amour est un roman bien différent des autres tomes des Rougon-Macquart. C’est une œuvre intime et en demi-teinte, telle que la décrit Zola lui-même. Il y est question d’un amour naissant et d’une passion toute en retenue pour plusieurs raisons : le respect des conventions et la difficulté pour une femme de choisir entre la maternité et l’amour pour le sexe opposé. Nul ne devrait avoir à faire ce choix, et pourtant, Hélène, jeune veuve et maman d’une petite Jeanne de 11 ans, doit lui accorder toute son attention. En effet, la petite a les nerfs fragiles et exige un amour exclusif que sa maman, quasi dévote, lui porte.
Cette femme honnête aime sa fille et se découvre peu à peu différente et capable de tout tandis qu’elle est dévorée par la passion. Dès le départ, on sent déjà le drame arriver. Le Dr Henri Deberle, qui sauve l’enfant alitée, est aussi le fauteur de troubles. La passion est perçue ici comme une aliénation tragique qui s’apparente à une faute, fatale.
Pourquoi Hélène n’aurait-elle pas le droit d’être heureuse ? Est-elle finalement condamnée à une vie monotone, sans saveur et sans intérêt ? C’est ce que j’ai ressenti pour elle à la lecture de ce roman où la culpabilité des femmes s’oppose à l’innocence et à la pureté des enfants. La petite Jeanne est fragile des nerfs comme sa grand-mère enfermée aux Tullettes et terriblement jalouse. L’hérédité n’est donc jamais très loin dans cette famille.
C’est finalement une œuvre plutôt sombre que nous offre Emile sur les dangers de la passion, alors que le titre présageait une parenthèse de douceur. La futilité, la corruption et la séduction de la société parisienne sont encore montrés du doigt. La passion aboutit ici inexorablement à un drame, encore une fois difficilement évitable chez l’auteur !
Il ne faut pas toujours se fier aux titres avec Zola :-). Je me souviens de « La joie de vivre » qui n’avait rien de joyeux. Je redécouvre peu à peu Zola que j’avais lu il y a déjà plus de 20 ans, encore un livre que je me note. Merci !
@Patrice, je n’ai pas encore lu la « joie de vivre » mais d’après ce que vous dites, ça a l’air encore une fois trompeur 🙂 C’est en tout cas toujours un plaisir de le découvrir, chaque oeuvre a son lot de surprises !
Ravie de vous avoir donné envie de lire celui-ci !
Coucou ! Je ne suis pas sûre que Zola fustige la passion. J’ai plutôt l’impression qu’il fustige les carcans sociaux, la bourgeoisie, l’église, qui obligent une femme veuve à se remarier, même si elle ne le souhaite pas (tout comme Denise ne souhaite pas se marier dans Au Bonheur des Dames). L’ouvrage a été écrit durant ce qu’on a appelé l’ordre moral, une politique autoritaire et conservatrice, à laquelle Zola s’opposait.
@Libertaire je crois aussi qu’il cherche à régler ses comptes avec la bourgeoisie et sa nécessité de garder les apparences (dans plusieurs de ses romans d’ailleurs). Tu as raison ! Il est très observateur et documenté et vise souvent juste !