« Pour la première fois de ma vie, je me disais que j’aurais pu tout faire différemment. J’aurais pu être ailleurs, et je ne savais pas où. Je savais les corps solides de mes enfants dans mes bras, je savais la maisonnée que Bensch m’avait offerte, je posais la main sur les murs dans l’escalier et je me rappelais de tout, je savais la chance que j’avais eue, mais je savais aussi que tout aurait pu être différent, et ça aurait été ma vie aussi. »
Ottavia Selvaggio possède son propre restaurant à Rome, 3 enfants et un mari dévoué qui s’occupe d’eux pendant qu’elle travaille et vit intensément sa passion. Elle en fait tourner des têtes avec son caractère bien trempé et son talent de cuisinière hors pair. Pourtant, le retour d’un homme du passé suffit à la faire douter, elle qui n’a encore jamais flanché. Elle s’imagine ce qui se serait passé si elle avait vécu avec un autre, alors qu’elle était heureuse jusqu’ici.
Si c’est le propre de l’homme de souvent s’imaginer que l’herbe serait plus verte ailleurs, Ottavia n’est pas différente des autres. C’est bien humain de s’interroger sur ses choix – sont-ils les bons ? – mais elle semble être une éternelle insatisfaite. Du jour au lendemain, elle ne se sent plus à sa place et commence à gâcher tout ce qu’elle a accumulé jusqu’ici. A la fin, on ne sait pas trop ce qu’elle veut, qui elle aime et elle nous semble capricieuse et inaccessible.
Comme pour Liv Maria, Julia Kerninon explore une fois de plus l’intimité d’une femme en apparence forte avec ses doutes et ses faiblesses. A l’exception près que j’ai trouvé cette Ottavia énervante et trop capricieuse. Sauvage, elle l’est sans doute car elle n’en fait qu’à sa tête. J’ai aimé le fait que les rôles traditionnels homme-femme soient si bien inversés et la manière dont ce quotidien est décrit, nous montrant un autre regard. Le récit est toujours très prenant avec en toile de fond l’Italie et la cuisine qui nous fait saliver.
« Je m’étais allongée et j’avais dormi dans le passé. Tant d’années, des verres dans des cafés, des assiettes et des danses partagées, mais combien de temps avait pu s’écouler depuis la dernière fois que j’avais dormi dans son lit, en sa présence ou en son absence ? »