Je remercie Babelio et les Editions du Faubourg pour l’envoi de ce livre. Celui-ci brosse le portrait de Sigmund Oropa, fonctionnaire international italien. Proche de la retraite, il fait le bilan de sa vie et réalise qu’il n’a pas accompli grand-chose. Il est finalement comme les autres membres de l’Union, faible et corrompu. En tant que juge, il est chargé de rétablir la justice. Il enquête notamment sur des camps de déplacés et les conditions épouvantables dans lesquelles ils sont accueillis. Sigmund souhaite à présent dénoncer toutes ces horreurs, le trafic des déplacés, très lucratif, et le détournement des fonds par les agents communautaires, les ministères, la mairie ou les ONG. Il part pour la Turquie où un nouveau camp de réfugiés est en construction avec cet objectif en tête. L’idée est de sauver ses valeurs, la démocratie, et de retrouver en lui une partie de son idéal perdu.
Une situation bien sombre
Si la situation réelle est telle que l’auteur la dépeint, il y a en effet de quoi s’inquiéter. Les sociétés qui accueillent les déplacés ramassés en mer vivent grassement sur le dos des réfugiés pour lesquels quantité de fonds sont pourtant apportés et détournés. C’est d’autant plus dérangeant pour ceux qui prétendent faire de l’humanitaire. Mais Aram Kebabdjian est avant tout cynique et dénonce un système corrompu, sans doute en forçant le trait de ses fonctionnaires (en tout cas j’espère) oisifs qui agissent uniquement par intérêt. Toutefois, il montre que certains se préoccupent du sens et des bienfaits de leur travail, à l’instar de Sigmund.
Au fur et à mesure de ses découvertes, la colère du juge s’accumule et le dégoût d’être parmi ses membres le gagne. Ses sentiments sont mitigés puisqu’il est tiraillé entre ses vieux démons – son frère parti trop tôt, son premier amour, Angèle, à la tête d’une des sociétés d’accueil des réfugiés – et son idéal de justice, qu’il va tenter d’atteindre.
Le roman met un certain temps à démarrer – peut-être pour nous faire partager l’ennui de son personnage principal ? – et montre l’absurdité d’une Europe qui part à la dérive et une administration tout droit sortie de l’univers de Kafka.