« Lorsqu’on a besoin d’étreinte pour être comblé dans ses lacunes, autour des épaules surtout, et dans le creux des reins, et que vous prenez trop conscience des deux bras qui vous manquent, un python de deux mètres vingt fait merveille »
Romain Gary n’a pas fini de me surprendre par la variété de ses romans et styles. Celui-ci raconte l’histoire de Cousin, un statisticien vivant avec un python de 2 mètres 20 à Paris. Comme on peut se l’imaginer, les gens – collègues, habitants du quartier – le prennent pour un fou. D’où l’écriture de ce « traité zoologique » pour justifier son choix de vie. Il faut dire aussi qu’en lisant ses pensées, on a l’impression de se trouver dans la tête de Dupontel dans Bernie Noël. Le personnage fait beaucoup de digressions et raconte parfois des choses qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Et pourtant, il est très touchant. Il dit souffrir de solitude et donne son amour à un python à défaut d’une femme, même s’il est persuadé tout du long qu’il va se marier avec sa collègue Mme Dreyfus, avec laquelle il n’a fait que prendre l’ascenseur.
Une fable humoristique qui prône la différence
Ce Cousin possède donc une sacrée imagination, jusqu’à finir par se prendre lui-même pour son python. La solitude peut-elle rendre fou ? A vous d’en juger. Ce sujet, qui, vu de l’extérieur, peut paraître étrange, ne m’a curieusement pas ennuyée et beaucoup intriguée. Il est traité sous la forme d’une fable humoristique complètement farfelue et décalée qui rend tout ou presque possible. En plus, elle réussit à nous délivrer des messages. Comment combattre la solitude ? En adoptant un animal de compagnie, pardi ! Ce roman prône aussi la différence et le choix de faire ce que l’on souhaite en s’affranchissant des regards.
Une fin originale et posthume
A la fin, la mue du serpent, symbolique, coïncide avec la mue du personnage. Cet ultime chapitre, ajouté à titre posthume, permet une fin que j’ai trouvé originale et jubilatoire. C’est seulement après sa mort que l’on découvre que Romain Gary se cachait sous le pseudo d’Emile Ajar et tant d’autres, lui permettant des styles d’écriture aussi divers que surprenants et l’obtention de deux prix Goncourt. Quel talent !
« Au moins, dans un Etat policier, on n’est pas libre, on sait pourquoi, on n’y est pour rien ? Mais ce qu’il y a de dégueulasse en France, c’est qu’ils vous donnent même pas d’excuses. Il n’y a rien de plus vachard, de plus calculé et de plus traître que les pays où l’on a tout pour être heureux. Si on avait ici la famine en Afrique et la sous-alimentation chronique avec dictature militaire, on aurait des excuses, ça dépendrait de nous. »