Ce livre de Philippe Besson paru aujourd’hui raconte un féminicide vécu par les enfants de la victime. Dès le départ, le ton est lancé : Léa, 13 ans, annonce à son grand frère « Papa vient de tuer Maman ». A la fois abasourdi, dévasté et indigné, il décide d’écrire leur histoire pour ne pas se résoudre au silence qui leur est imposé par la justice.
La culpabilité avant tout
Tout d’abord, il se demande comment ne pas être rongé par la culpabilité. Comment ne pas avoir pu prédire ce qui allait arriver ? Des signes avant-coureurs, bien sûr qu’il y en a eu et ils ne datent pas d’hier. Difficile alors de ne pas se sentir à la fois coupable et honteux lors de la survenue d’un tel drame familial. De ne pas avoir honte de ce père meurtrier, d’ordinaire censé les protéger. Il s’agit d’une double peine qui vous fait grandir d’un coup. Et les regards extérieurs qui s’apitoient, personne ne veut les subir.
« Avec le recul, j’ai conscience de ce que nous avons loupé, raté. Nous disposions peut-être de circonstances atténuantes : notre propre chagrin, notre impréparation, nos lacunes. Est-ce que ça nous exonère ? Non. »
En silence, ils se repassent les détails de la lente métamorphose de leur mère. Sa façon de s’éteindre à la manière d’une bougie face à la jalousie et à la colère de cet homme. Et puis ensemble, ils se remémorent les beaux moments passés avec celle qui n’est plus :
« J’ai aussitôt revu notre complicité en ces occasions. C’étaient des moments de rien du tout quand on y songe. Et je comprenais, trop tard, que c’étaient les moments les plus importants. »
Le droit au respect de la vie privée
Personne n’est préparé à une telle perte et personne ne souhaite qu’elle soit traitée comme un fait divers. Les obstacles à affronter sont nombreux et il faut « apprendre » à les surmonter en accéléré. Le frère et la sœur, bien que soudés et n’ayant pas vécu l’incident de la même manière, réagissent de manière radicalement différente et subissent de plein fouet ce traumatisme. Si Lea est ambivalente vis-à-vis de son père, son frère est radical : ce pèère est impardonnable. Plus rien ne sera jamais pareil.
L’auteur s’est inspiré de faits réels pour parler de ces victimes « collatérales » qui deviennent orphelines et de leur combat pour survivre. Il traite ce sujet malheureusement trop actuel avec une extrême pudeur qui m’a bien évidemment profondément touchée. J’avais aussi beaucoup aimé son roman « Arrête avec tes mensonges », fortement autobiographique et d’une immense sensibilité.