livre "événement" d'Annie Ernaux, un livre sur un avortement illégal

L’événement, Annie Ernaux

« Pour penser à ma situation, je n’employais aucun des termes qui la désignent, ni « j’attends un enfant », ni « enceinte », encore moins « grossesse », voisin de « grotesque ». Ils contenaient l’acceptation d’un futur qui n’aurait pas lieu. Ce n’était pas la peine de nommer ce que j’avais décidé de faire disparaître. »

Tomber enceinte peut être une bonne comme une mauvaise nouvelle. Pour Annie Ernaux, en 1964, alors qu’elle est une étudiante brillante, c’est une découverte sidérante. Elle sait qu’elle ne gardera pas l’enfant. Même si l’avortement est illégal, des méthodes clandestines existent. Quarante ans plus tard, elle raconte cette période troublante de sa vie et son parcours pour trouver une faiseuse d’anges. Un acte qui la marque à jamais et qu’elle juge nécessaire de raconter pour se déculpabiliser et partager le désarroi des femmes face à une grossesse indésirée.

C’est avec ce roman que je découvre – enfin – Annie Ernaux ! Son témoignage est bouleversant. Son style est épuré grâce à son écriture blanche, parfaite. Quant à sa description clinique des faits, elle est rendue possible par ses souvenirs, un agenda et un journal intime précieusement gardés. Sa prise de recul quant à sa situation de l’époque est effarante. Elle nous offre des réflexions d’une grande maturité sur sa condition. Je la trouve intransigeante avec elle-même et ne peux que compatir, au vu des remarques et préjugés des personnes côtoyées alors. S’en dégagent une force et une sensibilité incroyables qui m’ont tenue en haleine jusqu’à l’épisode de l’avortement. Plus rien n’a d’importance pour elle jusqu’à ce qu’il advienne. Ce récit m’a profondément remuée par sa grande détresse et la justesse des émotions transmises.

« Première à faire des études supérieures dans une famille d’ouvriers et de petits commerçants, j’avais échappé à l’usine et au comptoir. Mais ni le bac ni la licence de lettres n’avaient réussi à détourner la fatalité de la transmission d’une pauvreté dont la fille enceinte, était, au même titre que l’alcoolique, l’emblème. J’étais rattrapée par le cul et ce qui poussait en moi c’était, d’une certaine manière, l’échec social. »

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